Traîner
au lit n’est pas dans mes habitudes. Pour plein de raisons dont j’ai conscience,
de nombreuses autres que j’ignore et certainement aussi à cause ou grâce à mon
éducation. J’ai appris très jeune que l’on pouvait faire énormément de choses le
matin et j’ai toujours gardé cela en mémoire.
Quand
on était petits, mon père nous réveillait tôt le matin, avec mes frères, pendant
les week-ends. On ne devait pas rester au lit après 10h. À l’adolescence, c’est
super désagréable quand vous vous rebellez contre tout et que votre souhait le
plus cher est de vous coucher à minuit et de vous lever à midi. Je crois que
jamais personne ne comprendra l’importance pour les enfants d’avoir des parents
qui travaillent le matin pendant les week-ends. Ils ont une paix royale sans
parents, la liberté assurée.
Bref,
mon père nous réveillait donc tôt quand nous étions petits et comme j’étais
l’aînée, j’ai servi de test. Moi je me levais tôt en tout cas. En vieillissant,
il a changé d’idée. Il n’a jamais sorti Titou du lit, mon père. Du coup Titou
vous pouvez attendre avant qu’il décolle. Il n’est jamais debout avec 10h30 - 11h00
les week-ends. Mais moi, aussi marrant que cela paraisse et certainement aussi
à cause de mes horaires et de mon métier, les week-ends, je peux aussi bien
être levée à 7h qu’à 9h sans la moindre difficulté. 9h étant pour moi une
grasse matinée.
Bref, à
9h vous avez toute la journée quand vous vous levez. Bien sûr ensuite il vous
suffit de traîner, c’est le week-end après tout. Un petit déjeuner en paix,
comme Stéphane Eicher l’a si bien décrit, une douche et en avant pour un
week-end de travail…
Il y a
une autre option, une option détente et farniente. Une option que je mets plus
facilement en pratique quand je suis réveillée à 7h du matin parce que je sais
que cela donnera le même résultat que si je m’étais levée à 9h. Et cette option,
c’est de lire au lit.
Lire au
lit, le matin, juste après s’être réveillée, c’est assez magique.
Lire au
lit, le matin, c’est s’étirer en douceur sous sa couette en jetant un regard
ensommeillé au radioréveil parce qu’un rayon de lumière a osé pointer son nez
entre les interstices des rideaux. C’est être ébloui par les chiffres verts de
ce foutu appareil comme par ce rayon de soleil et c’est réaliser, quand votre
regard commence à s’accommoder à la lumière, qu’il est tôt, qu’il est très tôt.
Lire au
lit, le matin, c’est se retourner sur son matelas en replongeant la tête dans
le traversin et en retirant la couette sur son visage pour cacher le soleil.
C’est prendre le temps de bailler et de s’étirer en se frottant les yeux. C’est
essayer de se rendormir tout en sachant qu’on a eu son compte d’heures de sommeil.
C’est donc se réveiller en douceur, calmement, tranquillement, parce qu’on sait
que rien ne nous presse.
Lire au
lit, le matin, c’est s’emparer du bouquin que vous avez commencé, un jour, une
semaine, ou un mois plus tôt et qui est posé à côté du radio-réveil. C’est
faire un faux mouvement et prendre le réveil parce qu’il est encore trop tôt
pour ouvrir complètement les yeux. Puis c’est le reposer et tâtonner pour
trouver le livre. C’est coller le livre sous la couette à côté de vous pendant
quelques minutes, le temps de vous convaincre que si, vous pouvez affronter le
froid de votre chambre pour allumer la lumière.
Lire au
lit, le matin, c’est prendre une grande inspiration pour ne pas perdre toute la
chaleur qu’on a soigneusement accumulée au cours de la nuit et se lever en
courant pour atteindre l’interrupteur, tout en se maudissant de ne pas avoir
avancé plus dans les travaux. Parce que si on avait avancé plus dans les
travaux, l’interrupteur serait juste à côté de la table de nuit. C’est ensuite
se précipiter de nouveau sous la couette en soufflant comme si on venait de
courir un 100 mètres en moins de 10 secondes. C’est écrabouiller le bouquin
qu’on avait mis au chaud, avec nous, comme s’il était vivant. C’est se
recroqueviller en tirant la couette sous son cou pour retrouver un peu de cette
volupté qu’on vient d’abandonner.
Lire au
lit, le matin, c’est refermer les yeux alors que la lumière vous arrive en
plein visage. C’est se recacher sous la couette jusqu’à ce qu’on s’habitue au
fait que oui, on est réveillée, parfaitement réveillée. C’est reculer la
couette petit à petit pour s’habituer à la clarté jusqu’à ce qu’on soit capable
de garder les yeux ouverts suffisamment longtemps pour lire. C’est s’emparer du
livre qui est gentiment resté à nos côtés et retrouver le marque-page.
Lire au
lit, le matin, c’est commencer sa lecture sur le côté gauche, puis au bout de
dix minutes se tourner sur le côté droit, avant de revenir sur le dos en pliant
le traversin en deux. C’est recommencer le même manège pendant un moment parce
que c’est super difficile de trouver une position confortable pour lire, dans
son lit.
Lire au
lit, le matin, c’est quitter volontairement la réalité pour intégrer le monde
imaginaire de quelqu’un d’autre. C’est se laisser emporter par une histoire,
par des personnages. C’est oublier l’heure, le temps, les obligations, la vie,
les devoirs. C’est voyager sans bouger, c’est se perdre sans prendre de risque,
c’est aimer sans connaître…
Lire au
lit, le matin, au réveil, c’est profiter de cet instant rare, ce petit moment
où les rêves se sont terminés mais où la réalité ne s’est pas encore imposée à
nous. C’est modifier l’écoulement du temps, sa vitesse et son impact sur nous.
C’est s’évader l’espace de quelques minutes dans un autre univers…
Je ne
sais pas si vous avez déjà essayé mais moi je sais qu’à chaque fois, je me lève
ensuite avec le sentiment étrange d’être en vacances. Ou mieux, avec le
sentiment étrange de maîtriser le temps…
Bonne
lecture à vous.
Isabelle B. Price (29 Mars 2009)
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