Récemment,
Blake Skjellerup, jeune patineur de vitesse néo-zélandais de 24 ans, déclarait
au magazine australien DNA « On met trop
souvent des stéréotypes sur les homos. Quand j’avais 18 ans et que le sport et
mes objectifs olympiques devenaient quelque chose de sérieux, si j’avais pu
voir un athlète comme moi – à qui j’aurais pu m’identifier –, mon parcours
aurait été bien plus simple. […] Être homo, c’est comme n’importe quel autre
trait de caractère : il y a plusieurs facettes. »
Un
coming-out très rapidement relayé sur la plupart des sites gays et lesbiens du
monde entier. Il est encore tellement rare aujourd’hui de voir un sportif de
haut niveau parler aussi librement de son orientation sexuelle que cela est
régulièrement mis en lumière. Après le champion olympique de plongeon, Matthew
Mitcham en Mai 2008, le rugbyman Gareth Thomas en décembre 2009, Blake
Skjellerup fait partie de ces quelques rares hommes en activité à oser être
« out » tout en travaillant.
Et même
si la portée d’un coming-out ne se mesure pas au fait de travailler ou non,
celle du nageur à la retraite, Daniel Kowalski, triple médaillé aux Jeux
olympiques de 1996, médaillé d'or en relais en 2000 et six fois champion du
monde, ne m’a pas touchée de la même manière. À 33 ans, il écrit dans une
chronique pour le quotidien The Age, «
J'ai lutté pendant très, très longtemps. Je me suis demandé si être gay faisait
de moi une mauvaise personne, mais je ne peux me battre plus longtemps contre
celui que je suis vraiment et qui, dit simplement, est juste moi. »
On met
tous plus ou moins longtemps à s’accepter. Des hétéros n’y arrive toujours pas
malgré les années, des homos y arrivent en quelques instants, à 15 ans. Le
parcours de l’acceptation se joue bien au-delà de la question de l’orientation
sexuelle. Mais, ce que j’admire par-dessus tout, c’est la simplicité et le
naturel avec lequel de jeunes hommes sont capables, à 20 ans, de ne pas avoir
envie de se cacher et d’être honnêtes. Comme Amélie Mauresmo il y a quelques
années. Simplement parce que c’est la réalité de ce qu’ils sont, de ce qu’ils
vivent. Et que même si cela ne les définit pas totalement, c’est une partie
d’eux.
Ils
resteront de grands sportifs, des battants, des athlètes mais ils n’auront pas
à se dissimuler. Ils pourront, en dehors des terrains, des bassins, des pistes,
être eux-mêmes, en toute indifférence, enfin presque.
Lorsqu’en
Février dernier, aux Jeux Olympiques, Ireen Wüst, spécialiste néerlandaise de
patinage de vitesse de 23 ans, embrasse sa compagne, Sanne van Kerkhof,
spécialiste de short-track, les télévisions se régalent. La jeune femme ne
vient-elle pas de gagner une médaille d’Or ? Sa seconde médaille d’Or
Olympique ? La liaison entre les deux athlètes de haut niveau avait été
confirmée par Ireen elle-même en Octobre 2009, surprenant les spécialistes
sportifs et même au-delà.
Et
pourtant, à 23 ans, la jeune femme sait ce qu’elle veut et ne veut pas. Quand
les journalistes l’interrogent une nouvelle fois sur sa vie privée durant les
Jeux Olympiques, elle lance une réponse qui ébranle le monde LGBT alors que je
considère qu’elle est parfaitement compréhensible : « Je veux parler de patinage de vitesse. Vous ne demandez pas à
Sven Kramer (Homme présumé hétérosexuel et médaille d’Or de patinage de
vitesse) comment va sa relation amoureuse aujourd’hui. Alors pourquoi
voulez-vous me le demander à moi ? Si j’avais eu une relation avec un
homme, vous ne me l’auriez pas posée non plus. »
Non,
c’est évident. On ne lui aurait pas posé la question. Qui s’intéresse à la vie
amoureuse de Serena Williams, d’Eunice Barber ou d’autres sportives de haut
niveau ? Personne.
En même
temps qui s’intéresse aux sportives de haut niveau ? Dans le sport, les
femmes n’attirent pas. On se moque de leurs performances. Les hommes font
mieux, plus. Ils ont déjà fait cela avant, ils ouvrent la voie. Je trouve ça
assez représentatif. On peut s’extasier sur le 2 « 10 » récoltés par
Matthew Mitcham lors de son dernier plongeon parce que c’est la meilleure note attribuée
par les juges mais on demande à une double médaillée olympique si ce matin
c’est elle ou sa copine qui a pris sa douche en premier. Inégalité vous
croyez ?
Aucun
sportif de haut niveau n’a l’obligation de faire son coming-out. S’il le
désire, par contre, tout le monde devrait être derrière lui pour le soutenir.
En effet, cela aide à faire évoluer les mentalités en offrant une visibilité
majeure de la communauté homosexuelle et en permettant l’identification à des
« héros » très différents les uns des autres. Pour autant, les
sportifs ne sont pas obligés d’être des porte-paroles LGBT, ils ont leur vie,
leur métier, leur avenir. Ils peuvent l’être mais librement, sans aucune
pression de la part des médias ou des homosexuels lambdas dont je fais partie.
Par contre,
je trouve terrible qu’aujourd’hui, les hommes aient réussir à conquérir cette
liberté dans certains sports et qu’ils aient le courage de dire qui ils sont,
alors que les femmes doivent toujours se battre pour prouver leur valeur, comme
si elles étaient (toujours) inférieures.
Parce
qu’en ce moment, les seuls coming-out lesbiens que nous enchaînons, sont
américains et concernent des chanteuses de country. Chely Wright ce mois-ci,
Jennifer Knapp, chanteuse catholique le mois dernier. Moi que l’on a menacée
récemment d’envoyer en camp de redressement musical parce que j’avais débuté
une thèse sur la magnificence des paroles de « All I Have To Give »
des Backstreet Boys, je dois avouer, je m’en moque complètement. Non mais c’est
vrai, je sais déjà que je n’écouterai jamais leurs albums.
Par
contre, je sais que j’adore regarder les matchs de rugby avec mon père et mes
frères les dimanches après-midi quand on est tous réunis dans la maison
familiale. Je sais que j’adore dire aux joueurs de football de courir un peu
après le ballon, lors des diffusions de soirée. Je sais qu’à la période de
Rolland Garros, je passe plus de temps dans la chambre des patients qui
regardent les matches pour assister à quelques échanges et savoir qui de
Federer ou de Nadal va remporter le titre cette année. Je sais que quand je
regarde le Tour de France, je revois mon père et mon oncle avachis dans le
canapé pendant que j’essayais de réviser mon bac.
Quoi,
ce ne sont que des hommes, vous croyez ?
Isabelle B. Price (Mai 2010)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire