mercredi 11 janvier 2012

Les Sportifs Homosexuels




Récemment, Blake Skjellerup, jeune patineur de vitesse néo-zélandais de 24 ans, déclarait au magazine australien DNA « On met trop souvent des stéréotypes sur les homos. Quand j’avais 18 ans et que le sport et mes objectifs olympiques devenaient quelque chose de sérieux, si j’avais pu voir un athlète comme moi – à qui j’aurais pu m’identifier –, mon parcours aurait été bien plus simple. […] Être homo, c’est comme n’importe quel autre trait de caractère : il y a plusieurs facettes. »

Un coming-out très rapidement relayé sur la plupart des sites gays et lesbiens du monde entier. Il est encore tellement rare aujourd’hui de voir un sportif de haut niveau parler aussi librement de son orientation sexuelle que cela est régulièrement mis en lumière. Après le champion olympique de plongeon, Matthew Mitcham en Mai 2008, le rugbyman Gareth Thomas en décembre 2009, Blake Skjellerup fait partie de ces quelques rares hommes en activité à oser être « out » tout en travaillant.

Et même si la portée d’un coming-out ne se mesure pas au fait de travailler ou non, celle du nageur à la retraite, Daniel Kowalski, triple médaillé aux Jeux olympiques de 1996, médaillé d'or en relais en 2000 et six fois champion du monde, ne m’a pas touchée de la même manière. À 33 ans, il écrit dans une chronique pour le quotidien The Age, « J'ai lutté pendant très, très longtemps. Je me suis demandé si être gay faisait de moi une mauvaise personne, mais je ne peux me battre plus longtemps contre celui que je suis vraiment et qui, dit simplement, est juste moi. »

On met tous plus ou moins longtemps à s’accepter. Des hétéros n’y arrive toujours pas malgré les années, des homos y arrivent en quelques instants, à 15 ans. Le parcours de l’acceptation se joue bien au-delà de la question de l’orientation sexuelle. Mais, ce que j’admire par-dessus tout, c’est la simplicité et le naturel avec lequel de jeunes hommes sont capables, à 20 ans, de ne pas avoir envie de se cacher et d’être honnêtes. Comme Amélie Mauresmo il y a quelques années. Simplement parce que c’est la réalité de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent. Et que même si cela ne les définit pas totalement, c’est une partie d’eux.

Ils resteront de grands sportifs, des battants, des athlètes mais ils n’auront pas à se dissimuler. Ils pourront, en dehors des terrains, des bassins, des pistes, être eux-mêmes, en toute indifférence, enfin presque.

Lorsqu’en Février dernier, aux Jeux Olympiques, Ireen Wüst, spécialiste néerlandaise de patinage de vitesse de 23 ans, embrasse sa compagne, Sanne van Kerkhof, spécialiste de short-track, les télévisions se régalent. La jeune femme ne vient-elle pas de gagner une médaille d’Or ? Sa seconde médaille d’Or Olympique ? La liaison entre les deux athlètes de haut niveau avait été confirmée par Ireen elle-même en Octobre 2009, surprenant les spécialistes sportifs et même au-delà.

Et pourtant, à 23 ans, la jeune femme sait ce qu’elle veut et ne veut pas. Quand les journalistes l’interrogent une nouvelle fois sur sa vie privée durant les Jeux Olympiques, elle lance une réponse qui ébranle le monde LGBT alors que je considère qu’elle est parfaitement compréhensible : « Je veux parler de patinage de vitesse. Vous ne demandez pas à Sven Kramer (Homme présumé hétérosexuel et médaille d’Or de patinage de vitesse) comment va sa relation amoureuse aujourd’hui. Alors pourquoi voulez-vous me le demander à moi ? Si j’avais eu une relation avec un homme, vous ne me l’auriez pas posée non plus. »

Non, c’est évident. On ne lui aurait pas posé la question. Qui s’intéresse à la vie amoureuse de Serena Williams, d’Eunice Barber ou d’autres sportives de haut niveau ? Personne.

En même temps qui s’intéresse aux sportives de haut niveau ? Dans le sport, les femmes n’attirent pas. On se moque de leurs performances. Les hommes font mieux, plus. Ils ont déjà fait cela avant, ils ouvrent la voie. Je trouve ça assez représentatif. On peut s’extasier sur le 2 « 10 » récoltés par Matthew Mitcham lors de son dernier plongeon parce que c’est la meilleure note attribuée par les juges mais on demande à une double médaillée olympique si ce matin c’est elle ou sa copine qui a pris sa douche en premier. Inégalité vous croyez ?

Aucun sportif de haut niveau n’a l’obligation de faire son coming-out. S’il le désire, par contre, tout le monde devrait être derrière lui pour le soutenir. En effet, cela aide à faire évoluer les mentalités en offrant une visibilité majeure de la communauté homosexuelle et en permettant l’identification à des « héros » très différents les uns des autres. Pour autant, les sportifs ne sont pas obligés d’être des porte-paroles LGBT, ils ont leur vie, leur métier, leur avenir. Ils peuvent l’être mais librement, sans aucune pression de la part des médias ou des homosexuels lambdas dont je fais partie.

Par contre, je trouve terrible qu’aujourd’hui, les hommes aient réussir à conquérir cette liberté dans certains sports et qu’ils aient le courage de dire qui ils sont, alors que les femmes doivent toujours se battre pour prouver leur valeur, comme si elles étaient (toujours) inférieures.

Parce qu’en ce moment, les seuls coming-out lesbiens que nous enchaînons, sont américains et concernent des chanteuses de country. Chely Wright ce mois-ci, Jennifer Knapp, chanteuse catholique le mois dernier. Moi que l’on a menacée récemment d’envoyer en camp de redressement musical parce que j’avais débuté une thèse sur la magnificence des paroles de « All I Have To Give » des Backstreet Boys, je dois avouer, je m’en moque complètement. Non mais c’est vrai, je sais déjà que je n’écouterai jamais leurs albums.

Par contre, je sais que j’adore regarder les matchs de rugby avec mon père et mes frères les dimanches après-midi quand on est tous réunis dans la maison familiale. Je sais que j’adore dire aux joueurs de football de courir un peu après le ballon, lors des diffusions de soirée. Je sais qu’à la période de Rolland Garros, je passe plus de temps dans la chambre des patients qui regardent les matches pour assister à quelques échanges et savoir qui de Federer ou de Nadal va remporter le titre cette année. Je sais que quand je regarde le Tour de France, je revois mon père et mon oncle avachis dans le canapé pendant que j’essayais de réviser mon bac.

Quoi, ce ne sont que des hommes, vous croyez ?


Isabelle B. Price (Mai 2010)

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