vendredi 19 avril 2013

Lettre à Laurent Wauquiez





Monsieur Wauquiez, je suis née et j’ai grandi au Puy-en-Velay, cette ville de moins de 20 000 habitants dont vous êtes le maire depuis 2008. Aujourd’hui, alors que je vais bientôt fêter mes trente ans, je prends la plume (si l’on peut dire) pour vous signifier mon ras-le-bol de vous voir en permanence en défenseur de la famille et opposant farouche à l’égalité des droits des personnes homosexuelles.

Je suis homosexuelle Mr Wauquiez. J’avais dix-neuf ans quand je l’ai enfin accepté. Je dis enfin accepté parce que je pense que je l’ai toujours su mais que je ne voulais pas me l’avouer. Vous pensez bien que dans une ville aussi imprégnée par le catholicisme que le Puy-en-Velay (qui est le point de départ du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle et qui a une cathédrale et une vierge rouge si connues), ce n’est pas le plus évident.

Depuis que le projet de loi sur le mariage pour tous est né, je vous ai vu vous battre et vous débattre avec les contres. Il y a d’abord eu cette demande de référendum et la manière dont vous avez été mouché par Jean-Jacques Urvoas, à l’assemblée nationale, avec un livre de droit dont vous êtes le co-auteur (j’en ai retrouvé le sourire pendant une journée). Ensuite vos interventions à la télévision et à la radio. Enfin, votre participation à la manifestation pour tous. Je vous vois lutter depuis des mois pour m’empêcher, nous empêcher, d’accéder aux mêmes droits que tous les hétérosexuels, que vous, que vos enfants. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, votre utilisation honteuse des explosions d’hier à Boston pour justifier une modification du calendrier parlementaire. Parce que quand l’Afrique est à feu et à sang, quand des bombes tuent et mutilent en Israël ou en Palestine, vous vous en moquez royalement, non ?

Vous savez expliquer que vous n’êtes pas homophobe mais vous l’êtes. Vous n’avez pas condamné la montée de la violence des opposants au mariage pour tous de ces dernières semaines. Vous ne combattez pas les violences homophobes dont sont victimes de nombreux gays à travers la France et surtout vous abandonnez tous les jeunes adolescents, garçons et filles, qui vivent dans votre ville et qui découvrent, peu importe leur âge, qu’ils sont différents, qu’ils sont homosexuels.

Savez-vous seulement ce que c’est de réaliser cela au Puy-en-Velay ? À plus d’une heure trente de Clermont-Ferrand, d’une heure de Saint Etienne et de deux heures de Lyon (si l’on a la chance d’avoir une voiture) ? Dans la capitale du Velay ? Là où l’homosexualité n’est jamais présentée ni de manière positive ni de manière égalitaire ? Avez-vous seulement conscience du nombre de jeunes qui n’ont que la télévision et Internet pour vivre cette différence ? De ceux qui ne voient d’autres alternatives que le suicide ? De ceux qui vous voient, vous entendent, vous lisent et sont dévastés par vos propos et vos positions ?

J’ai lu dans une interview que vous aimiez vous ressourcer à La Chaise-Dieu. J’ai passé dans cette ville le plus magnifique dixième anniversaire que je pouvais imaginer. Pourtant, aujourd’hui, quand je reviens en Haute-Loire, au Puy-en-Velay, je suis heureuse d’en être partie. Je me sens libre, heureuse et en sécurité dans une ville qui n’est pas celle où j’ai grandi ni celle où j’ai mes plus beaux souvenirs d’enfant. Vous me faites me sentir étrangère chez moi.

Je souhaite que vous mesuriez l’importance de vos positions et les conséquences de ces dernières. Tout ne sera pas effacé d’un revers de main quand la loi sera votée. J’ai une mémoire, nous avons tous une mémoire. Pensez aux  administrés que vous avez abandonnés et commencez enfin à respecter cette demande d’égalité. Je ne vous demande pas de la soutenir ni de m’accepter. Je vous demande juste le respect auquel je peux légitimement prétendre.

Je peux vous garantir une chose. Si un jour je me marie, ce ne sera pas la fin de la France, ni la fin du Monde.

Bien Cordialement.

Isabelle B. Price (17 Avril 2013)

2 commentaires:

  1. Complètement désengagée - ou peut être simplement momentanément déprimée - je n'arrive pas à me décider de ce qui serait pire entre le fait que ces hommes (ou femmes) politiques français aient vraiment les convictions qu'ils semblent avoir ou le fait qu'ils n'aient absolument pas de conviction (et que l'opportunisme seul les guide).

    Hélas, à ce niveau politique, je crains que l'absence de conviction soit une marque de fabrique pour certains.

    Merci pour ce billet !
    L'homophobie n'est pas une fatalité !

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  2. Bravo très belle lettre <3<3 !!... :D courage. (Je suis du Puy aussi).

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