Monsieur
Wauquiez, je suis née et j’ai grandi au Puy-en-Velay, cette ville de moins de
20 000 habitants dont vous êtes le maire depuis 2008. Aujourd’hui, alors
que je vais bientôt fêter mes trente ans, je prends la plume (si l’on peut
dire) pour vous signifier mon ras-le-bol de vous voir en permanence en
défenseur de la famille et opposant farouche à l’égalité des droits des
personnes homosexuelles.
Je
suis homosexuelle Mr Wauquiez. J’avais dix-neuf ans quand je l’ai enfin accepté.
Je dis enfin accepté parce que je pense que je l’ai toujours su mais que je ne
voulais pas me l’avouer. Vous pensez bien que dans une ville aussi imprégnée
par le catholicisme que le Puy-en-Velay (qui est le point de départ du chemin
de Saint-Jacques-de-Compostelle et qui a une cathédrale et une vierge rouge si
connues), ce n’est pas le plus évident.
Depuis
que le projet de loi sur le mariage pour tous est né, je vous ai vu vous battre
et vous débattre avec les contres. Il y a d’abord eu cette demande de
référendum et la manière dont vous avez été mouché par Jean-Jacques Urvoas, à
l’assemblée nationale, avec un livre de droit dont vous
êtes le co-auteur (j’en ai retrouvé le sourire pendant une journée). Ensuite
vos interventions à la télévision et à la radio. Enfin, votre participation à
la manifestation pour tous. Je vous vois lutter depuis des mois pour m’empêcher,
nous empêcher, d’accéder aux mêmes droits que tous les hétérosexuels, que vous,
que vos enfants. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, votre utilisation
honteuse des explosions d’hier à Boston pour justifier une modification du
calendrier parlementaire. Parce que quand l’Afrique est à feu et à sang, quand
des bombes tuent et mutilent en Israël ou en Palestine, vous vous en moquez royalement,
non ?
Vous
savez expliquer que vous n’êtes pas homophobe mais vous l’êtes. Vous n’avez pas
condamné la montée de la violence des opposants au mariage pour tous de ces
dernières semaines. Vous ne combattez pas les violences homophobes dont sont
victimes de nombreux gays à travers la France et surtout vous abandonnez tous
les jeunes adolescents, garçons et filles, qui vivent dans votre ville et qui
découvrent, peu importe leur âge, qu’ils sont différents, qu’ils sont
homosexuels.
Savez-vous
seulement ce que c’est de réaliser cela au Puy-en-Velay ? À plus d’une heure
trente de Clermont-Ferrand, d’une heure de Saint Etienne et de deux heures de
Lyon (si l’on a la chance d’avoir une voiture) ? Dans la capitale du
Velay ? Là où l’homosexualité n’est jamais présentée ni de manière
positive ni de manière égalitaire ? Avez-vous seulement conscience du
nombre de jeunes qui n’ont que la télévision et Internet pour vivre cette
différence ? De ceux qui ne voient d’autres alternatives que le
suicide ? De ceux qui vous voient, vous entendent, vous lisent et sont
dévastés par vos propos et vos positions ?
J’ai
lu dans une interview que vous aimiez vous ressourcer à La Chaise-Dieu. J’ai
passé dans cette ville le plus magnifique dixième anniversaire que je pouvais
imaginer. Pourtant, aujourd’hui, quand je reviens en Haute-Loire, au
Puy-en-Velay, je suis heureuse d’en être partie. Je me sens libre, heureuse et
en sécurité dans une ville qui n’est pas celle où j’ai grandi ni celle où j’ai
mes plus beaux souvenirs d’enfant. Vous me faites me sentir étrangère chez moi.
Je
souhaite que vous mesuriez l’importance de vos positions et les conséquences de
ces dernières. Tout ne sera pas effacé d’un revers de main quand la loi sera
votée. J’ai une mémoire, nous avons tous une mémoire. Pensez aux administrés que vous avez abandonnés et commencez
enfin à respecter cette demande d’égalité. Je ne vous demande pas de la
soutenir ni de m’accepter. Je vous demande juste le respect auquel je peux légitimement
prétendre.
Je
peux vous garantir une chose. Si un jour je me marie, ce ne sera pas la fin de
la France, ni la fin du Monde.
Bien
Cordialement.
Isabelle B. Price (17 Avril 2013)
Complètement désengagée - ou peut être simplement momentanément déprimée - je n'arrive pas à me décider de ce qui serait pire entre le fait que ces hommes (ou femmes) politiques français aient vraiment les convictions qu'ils semblent avoir ou le fait qu'ils n'aient absolument pas de conviction (et que l'opportunisme seul les guide).
RépondreSupprimerHélas, à ce niveau politique, je crains que l'absence de conviction soit une marque de fabrique pour certains.
Merci pour ce billet !
L'homophobie n'est pas une fatalité !
Bravo très belle lettre <3<3 !!... :D courage. (Je suis du Puy aussi).
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