Le chef des Toiles Roses propose parfois des idées un peu tordues et celle-là
en est une. Il l’a baptisée « billet d’humour d’anticipation ». Et
je vous le demande, comment sait-il que ce sera drôle alors que moi-même
j’ignore si au final ça le sera ? Le côté anticipation, je me demande
encore si c’était pour me faire comprendre quelque chose ?
Après cette introduction des plus intéressantes, je ne me
suis pas dit, ô grand dieu non, si l’un de mes frères était gay je serais
hétéro et le monde serait différent. Non, je ne me suis même pas dit ça.
Incroyable. Je me suis posée la question différemment.
Et si un jour l’un de mes frères me présentait un garçon
comme un petit ami.
Alors déjà pour ceux qui ne le savent pas, j’ai deux petits
frères. Vincent a 23 ans et Thierry 19 ans.
Vincent est un beau gosse qui avec son sourire ravageur
arrive à avoir toutes les filles du monde. C’est bien simple, Vince c’est le
mec idéal. Les filles l’ont très bien compris et il n’a jamais été célibataire
plus de 6 mois depuis le lycée. C’est même mieux, c’est le gendre idéal. Les
pères de ses copines l’adorent tout le temps et limite ils engueulent leurs
filles lors des ruptures. Vincent il vous séduit d’un sourire, il vous offre
des fleurs et des nounours, il vous fait des gâteaux au chocolat ou des crêpes.
En clair, ce mec est un ange. Sa force, mais aussi sa faiblesse, c’est qu’il
l’ignore. Il se prend pour Clark Kent alors qu’il a tout de Superman.
Imaginer Vincent gay alors qu’il a eu plus de copines que
moi c’était mission impossible et c’est pour ça que je me suis forcée pour
essayer d’écrire quelque chose d’intéressant.
Mais avant, parlons de Thierry. Thierry c’est mon Titou,
c’est mon petit frère. Alors que je faisais des bêtises avec la complicité de
Vincent quand on était enfant, je garde gravé en moi un sentiment de protection
vis-à-vis de Thierry que je ne peux expliquer. Peut-être parce qu’il avait peur
de ce poster de clown dans la salle de jeux et que j’avais été le dire à mes
parents, peut-être parce qu’à l’époque où il est né j’étais plus grande. Je
l’ignore. Thierry c’est le mec cool par excellence. Il a tout du jeune actuel,
classe, libre, sûr de lui. Thierry il arriverait au bras de son amie Marie ou
de son ami Guillaume et me dirait je sors avec elle ou lui, ça me ferait le
même effet : « Mais, il est où mon petit frère ? » Thierry
il a tout du bisexuel d’aujourd’hui. La coupe de cheveux qui s’adapte à
l’époque (long ou court, au choix), le sourire à tomber, l’assurance
tranquille. En plus ma mère est fan de Guillaume. Elle trouve ce garçon
« trop adorable et gentil ». En bref, Thierry pourrait être gay ou
bi, je serais même pas choquée.
La question est donc pourquoi je serais choquée si Vincent
était gay ou bi ?
Ben oui, c’est une bonne question. Pourquoi mon esprit
accepterait sans le moindre problème que l’un de mes frères me présente un mec
et n’accepterait pas cela de l’autre ?
Déjà d’un point de vue visuel dans mon esprit, Thierry avec
un mec, visuellement, ça passe mieux. Isa ! On ne parle pas déco là, on
est sérieux !
Alors j’ai essayé d’imaginer ma réaction sérieusement si
Vincent arrivait au bras d’un homme… Ben c’était pas gagné… Alors là pour le
coup, j’ai honte de dire que je suis une très mauvaise grande sœur et que je
souhaite à Vincent de ne jamais vivre ça.
1°/ Réaction humoristique à défaut de mieux, tellement le
choc est rude : « Cool, maman aura au moins la chance d’avoir un
gendre. Elle va être ravie. »
2°/ « Ne les imagine pas au lit, ne les imagine pas au
lit, Isa, retiens-toi… Trop tard… » Et pourtant l’idée ne m’a jamais
effleurée quand il était hétéro, même chose avec Thierry. Je sais, j’ai honte,
vraiment j’ai honte, mais j’ai pas pu m’en empêcher.
3°/ « Enchantée, Isabelle, la frangine lesbienne. Ça va
faire beaucoup d’homos pour une seule famille, non ? Vous en pensez
quoi ? » Ben oui, faut savoir si on veut que je devienne hétéro pour
contrebalancer.
4°/ « J’ai le droit de poser une question
indiscrète ? Qui a dragué qui ? » Là c’est juste pour essayer de
comprendre ! C’est pas du mauvais esprit.
Je reconnais que je ne sais pas expliquer pourquoi je
n’imagine pas Vincent gay alors que je peux tout à fait imaginer Thierry
bisexuel. Une attitude peut-être, une méconnaissance de ce qu’il est, un refus
de le voir tel qu’il pourrait être et une envie qu’il continue à ressembler à
cette image que j’ai de lui ?
Je n’ai pas vraiment de réponse ou alors ce sont des morceaux
de réponses. Le fait est que même si l’on veut aimer ses deux frères de la même
manière, on ne le peut pas. Je partage des choses avec Vincent que je ne
partage pas avec Thierry et je partage des choses avec Thierry que je ne
partage pas avec Vincent. L’image que j’ai de mes frères est en fait très
personnelle. J’ai une image rêvée peut-être, faussée certainement et idéalisée
assurément.
Vincent je l’ai toujours imaginé comme le plus stable et le
plus fort de nous trois. Un roc un peu comme mon père mais en plus feignant.
Vincent c’est le genre de garçon qui a une patience d’ange et que je n’ai que
très rarement vu en colère. C’est un homme qui prend beaucoup sur lui,
peut-être trop. Quand je m’imagine nos vies dans 10 ans, je vois Vince avec une
femmes, trois enfants, un congé paternité à chaque fois, un boulot à son compte
qui lui permet d’avoir un emploi du temps assoupli et je le vois en papa poule.
Quand je vois Thierry, je vois un voyageur dans l’âme, un curieux de tout qui
pourrait parcourir le monde en long en large et en travers. Je le vois plus
instable, plus avide de découverte.
Mais ceci n’est qu’une création de mon imagination. Mes
frères sont avant tout des hommes et contrairement à ce que ce pronom possessif
laisse supposer, ils ne m’appartiennent pas. En tant que grande sœur, la seule
chose que je sais avoir le droit de faire, c’est de les soutenir quels que
soient leur parcours et leurs choix de vie.
Alors si un jour l’un de mes frères venait en me présentant
un homme, ma première réaction serait certainement d’embrasser cet homme en lui
souhaitant la bienvenue. Puis je me tournerais vers mon frère avec un grand
sourire en lui donnant un petit coup derrière la tête, comme Gibbs a l’habitude
de le faire à Dinozzo, l’air de rien, simplement pour le traiter de cachottier
et pour lui montrer que ce n’est pas ce qui m’importe.
Ce qui m’importe par-dessus tout c’est qu’ils soient
heureux, mes frères…
Isabelle B. Price (01 Février 2009)
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