mercredi 1 mai 2013

Coming-Out de Jason Collins




« Je suis un pivot de NBA de 34 ans. Je suis noir et je suis gay. »

« Je n'avais pas l'ambition de devenir le premier athlète d'un sport majeur aux États-Unis à révéler mon homosexualité. Mais maintenant que c'est fait, je suis content de débuter la conversation. J'aurais aimé ne pas être l'enfant qui dans la salle de classe lève sa main pour dire "je suis différent". Si ça ne tenait qu'à moi, quelqu'un d'autre l'aurait déjà fait. Ce n'est pas le cas, donc je lève la main.
J'ai réalisé que je devrais en parler publiquement lorsque Joe Kennedy, mon ancien colocataire à Stanford et maintenant membre du Congrès du Massachusetts, m'a dit qu'il avait été à la Gay Pride de Boston en 2012. Je suis rarement jaloux, mais entendre ce que Joe avait fait m'a empli de jalousie. J'étais fier de lui pour y avoir participé mais en colère parce qu'en tant qu'homme gay, je ne pouvais même pas féliciter mon ami hétéro en tant que spectateur [les gay prides américaines sont des parades, et non des manifestations]. Si on m'avait posé la question, j'aurais dû concocter des semi-vérités. Quelle honte d'avoir à mentir lorsqu'on célèbre la fierté. Je veux faire ce qui est bien et ne plus avoir à me cacher. Je veux marcher pour la tolérance, l'acceptation et la compréhension. Je me lever et dire: "Moi aussi". »

« Garder un tel secret m'a coûté beaucoup d'énergie. J'ai enduré des années de misère et fait beaucoup d'efforts pour vivre dans le mensonge. J'étais certain que mon monde s'écroulerait si quelqu'un savait. Maintenant chaque fois que je le dis à une nouvelle personne je me sens plus fort et je dors un peu plus profondément. » (Jason Collins, Basketteur, Avril 2013)


 

vendredi 19 avril 2013

Lettre à Laurent Wauquiez





Monsieur Wauquiez, je suis née et j’ai grandi au Puy-en-Velay, cette ville de moins de 20 000 habitants dont vous êtes le maire depuis 2008. Aujourd’hui, alors que je vais bientôt fêter mes trente ans, je prends la plume (si l’on peut dire) pour vous signifier mon ras-le-bol de vous voir en permanence en défenseur de la famille et opposant farouche à l’égalité des droits des personnes homosexuelles.

Je suis homosexuelle Mr Wauquiez. J’avais dix-neuf ans quand je l’ai enfin accepté. Je dis enfin accepté parce que je pense que je l’ai toujours su mais que je ne voulais pas me l’avouer. Vous pensez bien que dans une ville aussi imprégnée par le catholicisme que le Puy-en-Velay (qui est le point de départ du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle et qui a une cathédrale et une vierge rouge si connues), ce n’est pas le plus évident.

Depuis que le projet de loi sur le mariage pour tous est né, je vous ai vu vous battre et vous débattre avec les contres. Il y a d’abord eu cette demande de référendum et la manière dont vous avez été mouché par Jean-Jacques Urvoas, à l’assemblée nationale, avec un livre de droit dont vous êtes le co-auteur (j’en ai retrouvé le sourire pendant une journée). Ensuite vos interventions à la télévision et à la radio. Enfin, votre participation à la manifestation pour tous. Je vous vois lutter depuis des mois pour m’empêcher, nous empêcher, d’accéder aux mêmes droits que tous les hétérosexuels, que vous, que vos enfants. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, votre utilisation honteuse des explosions d’hier à Boston pour justifier une modification du calendrier parlementaire. Parce que quand l’Afrique est à feu et à sang, quand des bombes tuent et mutilent en Israël ou en Palestine, vous vous en moquez royalement, non ?

Vous savez expliquer que vous n’êtes pas homophobe mais vous l’êtes. Vous n’avez pas condamné la montée de la violence des opposants au mariage pour tous de ces dernières semaines. Vous ne combattez pas les violences homophobes dont sont victimes de nombreux gays à travers la France et surtout vous abandonnez tous les jeunes adolescents, garçons et filles, qui vivent dans votre ville et qui découvrent, peu importe leur âge, qu’ils sont différents, qu’ils sont homosexuels.

Savez-vous seulement ce que c’est de réaliser cela au Puy-en-Velay ? À plus d’une heure trente de Clermont-Ferrand, d’une heure de Saint Etienne et de deux heures de Lyon (si l’on a la chance d’avoir une voiture) ? Dans la capitale du Velay ? Là où l’homosexualité n’est jamais présentée ni de manière positive ni de manière égalitaire ? Avez-vous seulement conscience du nombre de jeunes qui n’ont que la télévision et Internet pour vivre cette différence ? De ceux qui ne voient d’autres alternatives que le suicide ? De ceux qui vous voient, vous entendent, vous lisent et sont dévastés par vos propos et vos positions ?

J’ai lu dans une interview que vous aimiez vous ressourcer à La Chaise-Dieu. J’ai passé dans cette ville le plus magnifique dixième anniversaire que je pouvais imaginer. Pourtant, aujourd’hui, quand je reviens en Haute-Loire, au Puy-en-Velay, je suis heureuse d’en être partie. Je me sens libre, heureuse et en sécurité dans une ville qui n’est pas celle où j’ai grandi ni celle où j’ai mes plus beaux souvenirs d’enfant. Vous me faites me sentir étrangère chez moi.

Je souhaite que vous mesuriez l’importance de vos positions et les conséquences de ces dernières. Tout ne sera pas effacé d’un revers de main quand la loi sera votée. J’ai une mémoire, nous avons tous une mémoire. Pensez aux  administrés que vous avez abandonnés et commencez enfin à respecter cette demande d’égalité. Je ne vous demande pas de la soutenir ni de m’accepter. Je vous demande juste le respect auquel je peux légitimement prétendre.

Je peux vous garantir une chose. Si un jour je me marie, ce ne sera pas la fin de la France, ni la fin du Monde.

Bien Cordialement.

Isabelle B. Price (17 Avril 2013)

dimanche 17 mars 2013

Pourquoi Univers-L.com





Depuis deux jours, c’est la question qui revient sans cesse de manière assez amusante. Un collègue de travail d'une membre de l'équipe lui a demandé si c’était un site militant et elle m’a retourné la question. Aujourd’hui encore, une personne bien intentionnée m’a demandé ce que je faisais exactement avec Univers-L.com.

En clair, nous en revenons à la célèbre phrase « Où vais-je, où cours-je, dans quelle étagère ? »

Et autant ces questions appliquées à mon métier j’arrive à y répondre, quoique en ce moment… Bref, autant ces questions, appliquées au site, m’ont plutôt surprises et amenée à m’interroger plus que je ne le voulais.

Au début, quand j’ai créé Univers-L, je n’imaginais déjà pas qu’un jour ce serait un site en ligne visible par tous. J’avais simplement besoin de souffler et de m’éloigner de mon quotidien qui consistait à prendre soin, écouter et rassurer des personnes malades. J’avais besoin de quitter la réalité. Et il n’y a rien de mieux, pour fuir la réalité, que de se réfugier dans les films, séries télévisées et livres. J’ai fait cela pendant toute mon adolescence et j’ai continué durant ma vie de jeune adulte.

Au départ, donc, ce n’était simplement qu’un moyen pour moi de mettre par écrit des sentiments, des ressentis, des analyses personnelles sur ce que je voyais, ce que je lisais, ce que j’étendais. Un moyen de réfléchir sur un sujet totalement différent de ceux auxquels ma profession me confrontait. Et oui, analyser un pull arc-en-ciel dans la série « Buffy contre les Vampires » en expliquant que c’était la manière de prouver que Willow devenait lesbienne, c’était à des années lumières de la prise en charge physique et psychologique des patients porteurs de stomies digestives. Ça me détendait.

Quand Univers-L s’est retrouvé en ligne, les premières années, c’était tellement amateur et j’avais si peu de retours que je pouvais continuer à penser que j’écrivais avant tout pour moi, pour me faire plaisir. J’ai rajouté la catégorie livres pour me faire une sorte de grande bibliothèque où tout serait archivé. Puis sont venues les sections bandes-annonces et personnalités. À ce moment-là je ne réfléchissais pas vraiment à l’impact. Tout ce que je savais c’est que ça répondait avant tout à mes propres besoins.

Parce que personnellement, j’avais beau faire des recherches sur l’Internet, je ne trouvais que rarement ce que je voulais sur un même site. Il fallait que j’accumule les sources, que je compile, que je fouille la plupart du temps sur des sites en anglais et parfois même sur certains en espagnol et en allemand. Heureusement pour moi, les traducteurs en ligne me permettaient de savoir si c’était ou non ce que je cherchais.

Je me suis donc dit, « tu vas tout noter sur ton site, faire des liens et comme ça, tu auras en français les informations que tu veux ». C’est ainsi que j’ai fait des recherches sur telle réalisatrice, telle scénariste, telle productrice, que j'ai relié cela à des films ou courts-métrages et fait des rapports qui m’intéressaient moi, seulement moi. Parce que oui, j’adore le travail d’Angela Robinson. Et celui de Rose Troche. Et puis c’est amusant, Rose Troche a fait son premier film « Go Fish », une référence du cinéma lesbien avec sa petite amie de l’époque, Guinevere Turner. Elles ont rompu mais sont restées suffisamment amies pour terminer leur projet. Et Gun elle a ensuite bossé avec Angela Robinson sur « The L-Word » et Cheryl Dunye sur « The Watermelon Woman ». Bref, j’ai fait des tours et des détours pour apprendre ce genre de choses qui finalement n’intéressaient que moi mais qui me plaisaient beaucoup parce que ça me détendait tout en me faisant rêver.

C’est marrant de réaliser comment peuvent naître certaines œuvres aujourd’hui considérées comme cultes par un grand nombre de lesbiennes. C’est surprenant de réaliser que des femmes ont fait ça dans leur garage, avec quatre bouts de ficelles, des dettes pour leur vie entière. C’est incroyable de réaliser à quel point certaines personnes s’impliquent pour la visibilité et la reconnaissance d’une population. Et ce militantisme m’impressionnait et m’impressionne toujours autant.

Au fil des mois et des ans le site s’est amélioré pour arriver à la forme qu’il a actuellement. Aujourd’hui, je ne le continue pas pour les mêmes raisons. Il s’est opéré un changement important dans la manière dont je le considère quand j’ai pris conscience que j’étais lue. Céline s’en est d’ailleurs amusée au début. C’est une chose d’écrire pour se faire plaisir sans se soucier des conséquences, de la manière dont ce que l’on fait est perçu, c’en est une autre, très différente, d’intégrer que des personnes reviennent régulièrement pour savoir ce que vous avez étudié et pensé de votre dernier film ou livre.

Là, j’ai regardé le site différemment. Il m’est apparu comme une chose que j’avais débutée et que je devais continuer parce que d’autres en attendaient quelque chose. Comme ces sites ou blogs sur lesquels moi j’allais mais où je désespérais soudain de l’absence de mises à jour, de l’absence de suivi ou même d’une subite fermeture. J’avais débuté quelque chose qui avait trouvé un public, je me devais de poursuivre parce que même si une seule personne attendait, une seule et unique personne, j’avais quelqu’un à satisfaire. J’ai des principes très stupides des fois, je sais.

J’ai créé Univers-L de manière très égoïste. C’était simplement, au départ, cette liste que beaucoup d’homos ont fait ou vont faire. Une liste regroupant des films, des livres, des séries abordant un sujet qui est important pour leur construction. La seule différence c’est que moi, j’ai été poussée par deux frères accros de l’informatique à développer mes « fiches » et à les mettre en ligne à disposition de tout le monde. Ensuite, il y a eu une demande, une demande qui m’a poussée à considérer cela comme un travail (bénévole) à part entière.

Aujourd’hui le site a changé, s’est enrichi. J’ai rencontré des filles géniales qui ont accepté d’apporter leur contribution à Univers-L. Certaines sont parties mais je garde un souvenir fort de notre collaboration, d'autres sont arrivées et leur enthousiasme ainsi que leur implication me font continuer à rêver et à penser que le site peut continuer à s'améliorer.

Aujourd’hui, je pense qu’Univers-L répond peut-être à une part militante de moi mais surtout engagée. Engagée pour l’égalité, le respect des différences, cette fraternité que l’on juge dépassée à l’heure actuelle. Univers-L me permet de me lever le matin en me disant qu’à défaut de sauver le monde, je fais au moins ce qui est en mon pouvoir pour essayer de le changer.

D’où je viens avec Univers-L ? D’un endroit que vous refusez de voir et de connaître qui parle de maladie, de souffrance et de mort. D’un endroit que je vois tous les jours et dont j’avais besoin de m’extraire.
Où je vais avec Univers-L ? Je l’ignore complètement.
Pourquoi j’ai créé Univers-L ? Pour apprendre, découvrir, comprendre et me coucher moins bête le soir.
Combien de temps va durer Univers-L ? Seul l’avenir nous le dira.
De quoi suis-je le plus fière avec Univers-L ? Des rencontres. La rencontre des membres de l'équipe Univers-L, des auteures et artistes qui ont accepté de répondre à mes questions et de me laisser découvrir un peu de leur monde.

Finalement Univers-L c’est l’incroyable histoire d’une fille qui, pour oublier la réalité s’est toujours coupée du monde et s’est toujours perdue dans les films, les séries télévisées et les livres. Un isolement qui au lieu de l’éloigner encore plus des gens lui a permis, à travers le world wide web, de s’ouvrir aux autres. Ou quand l’égoïsme et l’asociabilité permettent les plus belles rencontres !


Isabelle B. Price (17 Mars 2013)