© Jean-Pierre Pyat
Il était 19h06. Elle révisait
depuis qu’elle avait quitté son travail à l’hôpital, à 16h30. Fatiguée après sa
journée, elle avait mis ses fines lunettes et s’était allongée sur son lit,
entourée de ses cours. Les feuilles de papier imprimées et manuscrites étalées
devant et autour d’elle. Au milieu de ce chaos qu’elle considérait comme un
classement avancé, Marie était installée sur le ventre, le menton posé sur une
main, absorbée par les documents. Sa lampe de chevet diffusait une douce
lumière dorée alors que le jour avait lentement décliné en ce début d’hiver.
Perdue dans l’étude des
différentes phases du développement d’un médicament, elle n’entendit pas la
porte d’entrée s’ouvrir à l’autre bout de son petit appartement. Elle ne perçut
pas non plus le verrou se fermer. Une jeune femme brune se déchaussa sans faire
de bruit dans le hall d’entrée, quitta son long manteau ainsi que son écharpe
et les suspendit tranquillement dans le placard. Elle se passa ensuite une main
glacée dans les cheveux pour les réordonner un peu après le dernier coup de vent.
Même si la sonnette défectueuse l’y aidait, elle ne cherchait pas
particulièrement à être silencieuse, mais l’idée de surprendre Marie lui
plaisait.
Valérie se rendit d’abord dans la
cuisine, étonnée de ne pas sentir de bonne odeur de repas. Là, elle fut
surprise de ne trouver personne. La pièce était vide. La table propre. Seul un
bol, une cuillère et un couteau séchaient dans le bac prévu à cet effet sur
l’évier.
Dans un réflexe conditionné, son
ventre se mit à gargouiller. Marie n’avait rien prévu et elle mourrait
littéralement de faim après sa journée passée à donner des cours à l’Université
de Pharmacie. La surprise était tout de suite beaucoup moins intéressante que
ce qu’elle avait imaginé. Et pour cause, Marie semblait avoir oublié sa venue.
Valérie se dirigea vers le bureau, où elle ne trouva personne, avant d’opter
pour la chambre. Là, elle découvrit Marie, allongée sur son lit, entourée d’une
impressionnante masse de documents. Elle secoua la tête en souriant et s’adossa
au montant de la porte en déclarant : « Ça fait vraiment plaisir de
voir qu’on est attendue ! »
Marie sursauta. Son rythme
cardiaque s’accéléra brusquement à cause du bruit et elle tourna la tête d’un
coup, surprise. En reconnaissant Valérie, elle poussa un long soupir de soulagement
le temps de retrouver une contenance.
- T’es dingue ! Tu m’as fait
peur ! On t’a jamais appris à frapper avant d’entrer ?
- J’ai frappé plusieurs fois mais
personne ne m’a ouvert. T’as qu’à faire réparer ta sonnette. Tu te rappelles
quand même que tu m’as invitée à manger, non ? demanda Valérie
ironiquement en l’interrogeant du regard.
- Bien sûr que je me rappelle.
J’étais là je te signale. déclara Marie en reculant sur son lit et en ôtant ses
lunettes pour se frotter les yeux avant de se lever et de s’approcher de la
petite brune.
Valérie jeta un coup d’œil à sa
montre et lui lança : « Mes dix minutes de retard t’ont laissé penser
que je ne viendrai pas ? »
Marie s’avança sensuellement en
direction de Valérie tout en ôtant sa casquette bleue au logo de Superman, ce
qui libéra sa longue crinière blonde. Elle la jeta négligemment derrière elle,
sur le lit, puis ordonna ses cheveux d’un geste rapide. Debout devant Valérie,
elle posa ses mains sur la taille de cette dernière et l’attira à elle pour l’embrasser.
Elle posa ses lèvres sur celles, fraîches, de la jeune femme. Ce baiser et le
léger sourire qui l’accompagna firent comprendre à Valérie que finalement, elle
était bien attendue.
- Pourquoi tu dis ça ?
demanda Marie une fois leur baiser rompu.
- Tu n’aurais pas oublié de
préparer le repas par hasard ? l’interrogea Valérie, amusée et charmée par
l’incompréhension manifeste de sa compagne.
- Non… J’ai le temps… hésita
alors Marie en réalisant que si Valérie était arrivée, il y avait comme un
problème de ce côté-là. Elle se retourna et se contorsionna pour arriver à lire
l’heure sur son radioréveil. Les chiffres lumineux verts lui renvoyèrent un
horaire dont elle n’avait absolument pas conscience. Le temps avait filé plus
vite qu’elle ne s’y attendait. Heu… Elle se retourna vers Valérie et lui
sourit, contrite. Ses mains étaient toujours posées sur les hanches de la jeune
femme qui semblait plus amusée qu’autre chose. Tu as faim je suppose ? Tu
veux quoi ? J’ai rempli mon frigo.
- Tu n’as pas vu le temps passer,
c’est ça ?
- Je révisais. Désolée.
Marie prit Valérie par la main,
gênée de s’être laissée rattraper par le temps. Elle avait pourtant prévu plein
de choses pour cette soirée qu’elle attendait depuis une semaine. Son idée de
menu était géniale mais il aurait fallu, pour bien faire, qu’elle ne se plonge
pas dans ses cours en arrivant. La jeune femme entraîna Val à sa suite dans la
cuisine et ouvrit la porte du réfrigérateur en grand devant elle pour lui
prouver sa bonne foi.
- Tu veux un morceau de fromage
pour patienter ? J’avais prévu une salade de tomates en entrée avec des
petites parts de râpée…
- Laisse tomber tout ça. On va
aller à la facilité. Ce congélateur ne recèlerait pas une pizza 4 fromages par
hasard ? l’interrogea Valérie en lui montrant la petite porte en haut du
frigo.
- Si… murmura Marie pas très
fière de se savoir aussi prévisible après quelques mois seulement.
- Parfait. Je ne suis pas
vraiment venue pour découvrir l’étendue de tes talents culinaires.
- Comme l’a si bien expliqué Lois
à Clark, « ce n’est pas un manque de temps, c’est un manque de
talent. » rajouta la jeune femme, heureuse de la déclaration de Valérie.
- Tu m’en diras tant.
Marie ouvrit son congélateur et
s’empara d’une pizza qu’elle déposa sur la table de la cuisine. Elle alluma le
four après avoir sorti la plaque qu’elle déposa sur la gazinière le temps de la
recouvrir de papier aluminium. Pendant qu’elle libérait la pizza de son
emballage, Marie se sentit obligée d’ajouter :
Depuis que j’ai lu « Le Beau
Rôle » de Gun Brooke, j’ai découvert que faire cuire une pizza au four
pouvait être considéré comme cuisiner.
- Ah bon ? Parce qu’il se
passe quoi dans ce livre ? demanda Valérie sceptique en la regardant
faire.
- La nana elle met la pizza au
four avec ce carton dessous et il fait tellement de fumée en chauffant qu’il
déclenche l’alarme incendie ce qui fait venir les pompiers en urgence. Or moi,
je sais qu’il faut enlever la plaque en carton !
- C’est la raison pour laquelle
tu n’as pas d’alarme incendie ? Au cas où… répliqua Valérie amusée en
tirant une chaise sur laquelle elle s’assit.
- Très drôle. Ha ha ha. rétorqua
Marie moyennement amusée.
- D’ailleurs, à propos d’alarme,
il faudrait vraiment que tu apprennes à fermer ta porte d’entrée à clef.
- Je t’attendais ! J’avais
laissé ouvert parce que je t’attendais ! la coupa Marie avant que la jeune
femme ne lui énumère les règles de sécurité de base quand on vivait dans une
grande ville.
- Ok. Ok. Je ne dis plus rien.
Valérie leva les deux mains en signe de reddition. Elle lui avait déjà fait la
leçon à deux reprises. Il valait mieux ne pas réinsister sur le sujet. Tu en es
où de tes révisions ? demanda-t-elle en revenant sur un sujet plus neutre.
- J’avance pas. soupira Marie,
soulagée de la nouvelle orientation de la conversation. J’ai pas encore
commencé tes cours. Là, je me suis attelée au circuit du médicament.
Valérie sourit. Elles s’étaient
rencontrées quelques mois plus tôt, au début de la formation de Marie. Cette
dernière travaillait depuis plusieurs années comme assistante de recherche
clinique dans un service d’oncologie médicale. Elle avait réussi à convaincre
ses patrons de l’intérêt de lui payer une formation validante, ce qui lui avait
permis de débuter un DIU en septembre. Valérie, elle, était chargée de donner
certains cours. Pharmacienne spécialisée dans le droit, elle était employée par
une grosse entreprise pharmaceutique dont l’un des sièges était basé à Lyon.
Marie était venue la remercier pour la qualité de son intervention, à la fin de
l’un de ses cours. Elles avaient commencé à discuter et une chose en entraînant
une autre, elles se fréquentaient à présent depuis plus de trois mois. Valérie
habitait dans le centre de Lyon, à 20 minutes de son bureau. Marie vivait quant
à elle en périphérie de la ville, à 10 minutes de son hôpital. Le problème
résidait dans le fait qu’il leur fallait 20 minutes pour aller d’un appartement
à l’autre quand il n’y avait pas de circulation, mais une heure le reste du
temps, lorsque les automobilistes et autres travailleurs ne pouvaient être
ignorés.
- Tu veux que je t’aide ?
- Je ne vais pas t’embêter avec
ça. Tu connais tous ces trucs en plus. Ne t’inquiète pas, je me débrouille.
répondit Marie l’air faussement tranquille en s’asseyant sur une chaise à côté
de la jeune femme.
- Je ne connais pas tout,
malheureuse ! s’exclama Valérie de manière faussement théâtrale.
- Tu en connais déjà plus que
moi.
- Normal. Je suis pharmacienne.
Et j’en connais encore plus que ce que je vous ai raconté en cours !
- C’est ça, vante-toi !
Vas-y ! Bel esprit, moi je dis ! Bel esprit ! déclara Marie en
souriant, faisant référence à l’une des expressions préférées de ses frères.
- J’ai hâte de les rencontrer,
tes petits frères. Juste pour voir la tête qu’ils feront quand je leur dirai
que je connais cette expression.
- C’est comme toutes les
expressions. Ça va, ça vient. Ils ne se souviendront peut-être même pas qu’ils
l’employaient à tout bout de champ il y a quelques années. Maintenant ils en
ont de nouvelles.
- T’es plus à la mode quoi !
Tu es vieille ! répliqua Valérie l’œil malicieux.
- C’est ça, je suis
vieille ! Très vieille. Même que je n’aime pas leurs expressions
actuelles. Je suis très vieux jeu.
- C’est sûr qu’à 29 ans, il n’y a
pas plus vieux. Qu’est-ce que je dois dire avec mes 32 ans ? Ils te le
livrent quand ton déambulateur ? Non, plus sérieusement, c’est quoi leurs
expressions actuelles ?
- « Je me suis fait
violer » et « c’est un truc de pédé ». répliqua Marie d’un air
sérieux en fixant Val droit dans les yeux, avant de se tourner pour vérifier si
le four en avait fini avec son préchauffage.
Valérie hésita un instant, le
temps que Marie soit de nouveau face à elle. Elle était toujours étonnée par la
capacité de cette dernière à passer si brusquement de quelque chose de léger à
quelque chose de sérieux et vice versa. Celle-ci leva les sourcils
interrogatifs pour savoir ce que Val avait à répondre à cela.
- Ça fait longtemps qu’ils
utilisent ces nouvelles expressions ?
- Aucune idée. Mais ils les ont
employées la dernière fois qu’on s’est vus. Séb se fait violer et Stéphane
n’est pas un pédé.
- Qu’est-ce que t’as
répondu ?
- Il aurait fallu que je dise
quelque chose ?
- Ne réponds pas à une question
par une autre question. C’est super désagréable.
- Les gens normaux diraient
« c’est super chiant », tu sais. rétorqua Marie en souriant et en
posant les deux mains sur les cuisses de sa compagne. J’avais déjà dit à Séb
que j’aimais pas qu’il utilise le terme « violer » toutes les cinq
minutes. Je n’allais pas recommencer. Ma mère a repris Stéph une première fois
sur le coup du pédé et quand il l’a dit une deuxième fois, en me regardant
fixement, je lui ai fait remarquer qu’il devait l’utiliser souvent. Il a
répondu non, qu’il faisait juste ça pour m’embêter. Je lui ai répliqué que deux
fois en un seul jour ça commençait à faire beaucoup. Il m’a dit que je ne
vivais pas avec lui et que je ne savais rien de sa façon de parler. Il a
raison. Ils habitent à 250 km d’ici.
- Ta mère a réagi ? demanda
Valérie intéressée.
- Bien sûr. Tu sais bien que ma
mère est de tous les combats pour le respect des personnes et des différences.
ajouta simplement Marie en haussant les épaules comme on énonce une évidence.
- J’ai vraiment hâte de la
rencontrer.
Marie se retourna pour jeter un
nouveau coup d’œil au four. Le voyant du préchauffage étant éteint, elle se
leva pour enfourner la pizza. Puis elle s’approcha de son plan de travail,
s’empara de son minuteur en forme de tomate et le fit compter douze minutes.
- C’est quoi cette envie subite
de rencontrer ma famille ? Tu les rencontreras… Un jour… Mais pour
l’instant je profite de toi.
La jeune femme s’avança en
direction de Valérie qui n’avait pas bougé de sa chaise. Elle posa une main sur
chacune de ses cuisses et les lui écarta délicatement pour s’installer entre
elles.
Et si j’utilisais tes talents
pendant les dix minutes dont nous disposons ?
- 10 minutes c’est court. lui
répondit Valérie en l’attirant encore plus près d’elle.
- 10 minutes ça me paraît
largement suffisant au contraire. rétorqua Marie en se penchant vers son visage
pour l’embrasser.
- Je maintiens que non.
- Je ne veux pas un cours complet
non plus. ajouta Marie en se léchant lentement les lèvres. Juste une
explication sur les principaux textes de loi relatifs aux essais cliniques.
répliqua-t-elle alors en souriant et en s’éloignant soudain de Valérie pour se
diriger dans sa chambre.
Cette dernière éclata de rire en
se levant de sa chaise pour la rejoindre. Elle ne pensait pas à ces talents-là.
Elle en avait d’autres en tête. La jeune femme sortit de la cuisine et traversa
le couloir pour entrer dans la chambre.
Marie était à genoux sur son lit.
Elle avait remis sa casquette de Superman et ses lunettes. Elle se retourna et
tendit à Valérie les photocopies des cours qu’elle avait donnés à la Faculté de
Pharmacie quelques mois plus tôt. Cette dernière reconnut le PowerPoint qu’elle
avait réalisé et jeta à peine un regard dessus.
- Ok, vas-y. Je n’ai rien relu
encore. Donc tu commences par des questions faciles. D’acc ?
- Entendu. Alors quelle loi
définit le droit des malades ?
- Je t’ai dit facile !!
s’exclama Marie en jetant un coussin au visage de Valérie qui s’était installée
sur la seule chaise présente dans la pièce.
- Mais c’est facile. C’est de la
culture générale. Tu travailles à l’hôpital depuis plus de 8 ans. Tu le sais.
- J’ai aucune mémoire des dates,
merde. Je te l’ai déjà dit.
- D’accord. Donne-moi juste son
nom alors.
Devant le silence de Marie et son
air concentré, Valérie se leva de la chaise pour s’approcher d’elle. Elle
souriait, amusée de la voir déjà en difficulté face à une question dont elle
était persuadée qu’elle avait la réponse. Elle s’approcha du lit et attrapa
Marie par les deux jambes pour la tirer vers elle. Cette dernière était sur le
dos et faisait la moue, un peu vexée de devoir autant réfléchir. Valérie écarta
doucement les jambes de Marie pour s’installer entre elles et déclara :
- Je propose la mise en place
d’un système de récompense à chaque réponse juste.
Marie leva un sourcil
interrogateur et l’observa gravement.
- Un système de récompense ?
répéta-t-elle sans la quitter des yeux, appréciant ses mains posée sur ses
jambes qui la caressaient négligemment.
- Hum. Hum. Un baiser à chaque
réponse juste.
- Un baiser, c’est tout ? Et
qu’est-ce que j’y gagne moi ? répondit Marie en retrouvant son air
espiègle.
- Espèce de… s’exclama Valérie en
prenant un coussin sur le lit et en frappant la jeune femme qui éclata de rire.
Marie encercla Valérie de ses
jambes et la fit basculer au-dessus d’elle sur le lit. Elle riait toujours en
attirant le visage de cette dernière tout près du sien. Leurs corps se
touchaient et malgré la notion de jeu, le désir refaisait surface plus
rapidement qu’elles ne s’y attendaient. Valérie s’appuya sur ses bras de chaque
côté de la tête de Marie tout en souriant. Elle lui ôta sa casquette qu’elle
jeta hors du lit, puis passa la main dans ses cheveux avant de descendre sur
l’arrête de sa joue et de s’arrêter sur ses lèvres. L’air se chargea de désir
tandis que Marie entrouvrait les lèvres pour s’emparer du doigt de Valérie
qu’elle suça quelques secondes. Leurs yeux se trouvèrent.
- Je propose mieux. À chaque
réponse juste mais incomplète, un baiser. À chaque réponse juste complète, tu
enlèves un vêtement.
- C’est une proposition très
tentante. répondit Valérie. Mais et toi ? Tu restes habillée ?
- Je sais pas… On verra… hésita
la jeune femme et essayant de capturer les lèvres de sa compagne pour lui voler
un baiser.
- Non. Non. Pas de récompense à
l’avance. Alors, quelle loi définit le droit des malades ? demanda Valérie
en restant allongée sur le corps de Marie tout en éloignant suffisamment son
visage pour être inaccessible.
- Je dirais la loi du je sais
pas, je sais pas 2002 dite loi Kouchner parce que soutenue par Bernard Kouchner
quand il était ministre de la santé. Elle est appelée loi « relative aux
droits des malades et à la qualité du système de santé ».
- Tu connais le nom exact de la
loi ? l’interrogea Valérie surprise qu’elle en sache autant.
- Oui, c’est marqué sur une
affiche à la sortie du self.
- J’ai gagné un baiser et un
vêtement en moins là, non ? sourit Marie en posant les deux mains sur la
taille de la jeune femme qui la dominait pour que leurs corps se fondent encore
plus l’un dans l’autre.
- Juste un baiser. Il manque un
jour et un mois.
- Je suis certaine que je peux
les deviner si tu me donnes des indices.
- Des indices ? On n’a
jamais parlé d’indices. s’amusa Valérie en jouant avec la chaîne que Marie
portait autour du cou tout en caressant sa peau douce.
- Ben les indices ça permet de
trouver des réponses complètes presque tout seul.
- Tu m’en diras tant.
- Deux petits indices de rien du
tout et je suis certaine que je peux te faire ôter ce chemisier. déclara Marie
en jouant avec un bouton du vêtement de Valérie.
- Ok. Deux indices. On va voir si
tu sais compter. rétorqua cette dernière un sourire séducteur aux lèvres.
Valérie fit glisser l’une de ses
mains jusqu’au bas du tee-shirt de Marie et le souleva légèrement pour dénuder
son ventre. Elle y posa sa main tout en regardant dans les yeux la jeune femme,
immobile et silencieuse. Elle traça négligemment un grand J avec l’un de ses
doigts et déposa quatre baisers juste derrière. Elle se redressa le temps de
tracer un grand M puis de déposer trois autres baisers, avant de se reculer et
d’observer le visage de Marie. Cette dernière avait les yeux clos et sa
respiration s’était accélérée au point d’être saccadée.
- Alors ? Cette date ?
demanda Valérie en approchant sa main des lèvres de Marie.
- C’est le meilleur indice que
j’ai jamais eu. répondit celle-ci d’une voix cassée par le désir. J’ai le droit
de t’emmener à l’examen ?
Valérie éclata de rire tout en se
perdant dans le regard azur de Marie qui venait de rouvrir les yeux.
- Je ne crois pas que ce soit
possible. Alors, cette date ?
- 4 heu… Attends… Janvier…
Février… Mars… compta la jeune femme à voix haute. Donc 4 Mars 2002.
- Gagné.
- J’ai droit à ma récompense
alors.
- Hum. Hum. répondit
distraitement Valérie en se penchant pour s’emparer des lèvres de son amante.
Le baiser aurait pu être doux et
léger si elles n’avaient pas autant attendu. Mais elles en avaient tellement
envie qu’il fut urgent et chargé de désir. Souhaitant par-dessus tout toucher
la peau de Valérie, les mains de Marie se rendirent d’elles-mêmes sur les
boutons du chemisier. Elle les défit trop lentement à son goût avant de pouvoir
enfin glisser ses doigts et effleurer sa poitrine à travers son soutien-gorge.
Celle-ci laissa échapper un soupir de contentement en détachant ses lèvres de
celles de Marie. Elle enfouit son visage dans le cou de cette dernière pour
essayer de calmer les battements désordonnés de son cœur et demanda après avoir
repris un peu ses esprits :
- On avait dit un seul baiser je
crois.
- On pourrait changer les règles.
suggéra Marie en continuant de caresser sa poitrine.
- Arrête ça. Tu m’empêches de
penser. déclara Valérie en lui attrapant les mains et en les emprisonnant dans
les siennes. Elle changea de position pour s’installer plus confortablement à
califourchon sur la jeune femme et souda son bassin au sien. Elle déposa leurs
mains jointes derrière la tête de Marie alors que celle-ci avait le regard
aimanté par sa poitrine.
- Tu as encore une chemise à
enlever… déclara Marie en essayant de libérer ses mains.
- Ne bouge pas. l’interrompit
Valérie. Je l’enlève toute seule cette chemise. Toi pendant ce temps tu
réfléchis. Je veux le nom et la date de la première loi française ayant
légiféré les essais cliniques.
Marie n’arrivait pas à se
concentrer sur ce que disait Val. Son regard était captivé par ce qui était si
prêt d’elle mais pourtant si inaccessible. Elle observa son amante défaire les
deux boutons au niveau des manches avec une lenteur exaspérante avant de faire
glisser le fin tissu sur ses épaules. Marie geignit, elle n’avait qu’une envie,
pouvoir caresser cette peau qui s’offrait à elle.
- Alors cette réponse ?
interrogea Valérie avec un petit sourire ironique voyant très bien le désir
dans le regard de la jeune femme.
- Quelle réponse ? demanda
Marie en levant les yeux vers le visage de Val, pas gênée le moins du monde
d’avoir été prise en faute.
- La réponse à ma question.
Quelle est la première loi française à avoir légiféré les essais
cliniques ?
- Si j’ai la réponse, je t’enlève
ce soutien-gorge. Moi, pas toi.
- Si tu as la réponse, je suis
d’accord.
Marie sourit en se mordant la
lèvre inférieure. Elle savait la réponse et c’était assurément la meilleure
nouvelle de l’année. Ses mains vinrent d’elles-mêmes vers Valérie, comme mues
pas une volonté propre alors qu’elle répondait :
- Loi Huriet Sérusclat, 88.
- Comment tu as retenu ça, je
croyais que tu n’avais aucune mémoire des dates ? s’étonna Valérie sans
bouger.
- On s’en fout, je veux mes
récompenses. D’accord, mes frères sont nés en 88. ajouta-t-elle devant le
regard interrogateur de sa compagne. Je n’ai aucun mérite. J’ai le droit à mon
baiser maintenant ?
Valérie se pencha en souriant,
posa délicatement ses mains sur les joues de Marie et l’embrassa une nouvelle
fois. Ce baiser était moins urgent que le premier. Elles avaient toutes les
deux conscience qu’elles n’avaient plus vraiment envie de suivre les règles.
Val sentit les mains de Marie se poser sur sa taille et remonter dans son dos
pour arriver à l’agrafe de son soutien-gorge. Elle le détacha d’un geste
assuré. Le baiser s’intensifia et devint plus profond. Marie fit alors rouler
Valérie sur le lit pour se retrouver au-dessus d’elle. Elles écrasèrent la
totalité des papiers éparpillés sur le lit dans le mouvement mais elles s’en
moquèrent royalement.
Pendant que Marie faisait
remonter les bretelles du soutien-gorge le long des bras de Valérie, cette
dernière caressait ses cheveux et gardait leurs lèvres scellées. Le monde
autour d’elles n’existait plus. Elles seules comptaient. Les mains de Val
glissèrent vers le bas du tee-shirt de Marie avec l’intention de lui ôter quand
la sonnerie du minuteur retentit dans la cuisine, les surprenant toutes les
deux.
Elles ouvrirent les yeux et
écartèrent leurs visages le temps de reprendre un tout petit peu d’air. Elles
sourirent ensemble devant cette interruption terriblement mal venue mais aucune
ne fit mine de bouger. Marie hésita à se lever refusant de briser cet instant
mais finit par s’y résoudre en déclarant « Je vais sortir la pizza avant
qu’elle ne brûle et n’attire la totalité de la caserne de pompiers chez
moi. »
Elle se leva d’un bond et se
précipita dans la cuisine avec une rapidité déconcertante. Elle éteignit le
four, mit le gant de protection et sortit la plaque en moins de temps qu’il
n’en faut pour le dire. Elle ne voulait pas être là, elle voulait juste
retrouver les bras de Valérie. Elle déposa la pizza sur la gazinière, ôta le
gant qu’elle jeta négligemment sur la table de la cuisine et retourna presque
en courant dans sa chambre.
Valérie était toujours sur le lit
et enlevait les feuilles qu’elle empilait au pied de ce dernier.
- On en était où de ces
révisions ? demanda Marie en enlevant son tee-shirt et en s’approchant de
Valérie.
- L’année de la création de la
directive européenne sur les bonnes pratiques cliniques pour les essais…
- Pas la moindre idée. déclara
Marie en s’emparant de ses lèvres et en l’empêchant de terminer sa question. Et
si l’indice comprend plus de 2000 baisers je ne pense pas être capable
d’arriver à tous les compter.
- 2001… souffla Valérie en
l’attirant contre elle.
- Je crois que j’adore les
révisions. acheva Marie avant qu’elles ne s’embrassent toutes les deux
passionnément.
Isabelle B. Price (Janvier 2010)
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